Le Cerveau Humain: Le Comprendre pour Reussir!

neurosciences

Chapitre 1: Cinq faits étonnants sur notre cerveau


Chapitre 1:  Cinq faits étonnants sur notre cerveau

Auteur:  Adam Taylor
Professor and Director of the Clinical Anatomy Learning Centre
Lancaster University


Le cerveau est l’organe le plus complexe de notre corps. Non seulement il contrôle des fonctions de base telles que la respiration, le fnctionnement des organes et le mouvement, mais il est aussi responsable de processus plus complexes comme la pensée, le contrôle du comportement et des émotions ou encore la fabrication de souvenirs.

Pourtant, si le rôle essentiel du cerveau ne fait aucun doute, la plupart des gens en savent bien peu à son sujet.

Voici cinq faits étonnants concernant votre cerveau.

Le cerveau est constamment en activité

Même quand on dort, le cerveau reste actif. C’est nécessaire pour qu’on reste en vie. Ses différentes parties sont responsables de différentes fonctions.

Le cerveau est divisé en quatre paires de lobes répartis de chaque côté de la tête. Les lobes frontaux sont à l’avant de la tête et les lobes temporaux sont juste en dessous. Les lobes pariétaux sont situés au milieu et les lobes occipitaux, à l’arrière de la tête.

Les lobes frontaux sont souvent associés à ce qui nous « rend humains ». Ils interviennent dans les processus cognitifs tels que le raisonnement, l’apprentissage, la créativité, l’attention et le contrôle des muscles servant au mouvement et à la parole. Ce sont eux aussi qui nous aident à créer des souvenirs et à apprendre à réguler nos émotions et notre comportement.

Les lobes pariétaux sont impliqués dans un ensemble de fonctions telles que le calcul et le traitement sensoriel ainsi que le traitement des informations visuo-spatiales, qui sont nécessaires au mouvement, à la perception de la profondeur et de l’espace.

Les lobes temporaux reçoivent les informations relatives aux sons, ce qui comprend la parole qu’on entend, ainsi que les processus en lien avec la mémoire. Les lobes occipitaux contribuent au traitement des informations visuelles. Lorsque la lumière atteint les yeux, elle est transmise par les nerfs à cette région et convertie en une image que l’on « voit ».

Chaque lobe est divisé en régions fonctionnelles qui sont responsables de fonctions spécifiques. La partie du lobe frontal appelée aire de Broca, par exemple, est consacrée à la compréhension et à la production du langage.

Grâce à l’imagerie cérébrale, les scientifiques peuvent mesurer l’activité des différentes aires du cerveau. Pour ce faire, ils observent où se produit une augmentation de flux sanguin, car le sang transporte l’oxygène nécessaire pour qu’une aire puisse accomplir une tâche. Savoir quelle zone est responsable de quelle tâche a son importance à la fois pour la recherche et pour les interventions chirurgicales.

Le cerveau reçoit constamment des informations

Le cerveau reçoit un flux constant d’informations. Celles-ci sont régulées par deux circuits qui contrôlent tout. Les informations sensorielles sont celles qui parviennent au cerveau et les informations motrices sont celles qui en proviennent.

Bien que le cerveau reçoive en permanence des informations, nous n’en avons souvent pas conscience, car cela se produit dans des zones cérébrales qui traitent des informations « inconscientes ». Ainsi, des informations sur la position de nos muscles et de nos articulations sont constamment transmises au cerveau, mais on ne le remarque qu’au moment où notre position devient inconfortable ou qu’on souhaite la changer.

Lorsqu’il s’agit des informations que l’on émet, par contre — y compris les gestes que l’on contrôle, comme ramasser un objet -, on a conscience de la transmission. Cependant, tout comme les informations sensorielles, certaines actions motrices se produisent involontairement, comme c’est le cas pour la respiration ou l’activation des muscles qui font circuler les aliments dans notre système gastro-intestinal.

Environ 20 % du volume sanguin de notre corps est consacré au cerveau

Le maintien des fonctions cérébrales repose sur l’apport en oxygène du sang, comme c’est le cas pour tous les tissus vivants. Au repos, le cerveau reçoit entre 15 et 20 % du sang du cœur, mais de nombreux facteurs peuvent influer sur cette proportion, notamment l’âge, le sexe et le poids.

Pour un homme moyen, on estime la quantité de sang circulant dans le corps à 70 millilitres par battement de cœur. Le cerveau reçoit donc en moyenne 14 millilitres de sang par battement de cœur, ce qui est essentiel pour acheminer l’oxygène vers les cellules cérébrales.

Il est bien connu que les accidents vasculaires cérébraux (où l’apport sanguin à certaines zones cérébrales est interrompu) se produisent davantage du côté gauche du cerveau. Cette information n’est pas sans incidence, car le côté droit du cerveau contrôle le côté gauche du corps et vice-versa. Étant donné que les AVC sont plus nombreux du côté gauche du cerveau— ce qui peut avoir un impact sur la fonctionnalité du côté droit -, les droitiers sont plus susceptibles de souffrir d’une perte de fonctionnalité après un accident vasculaire cérébral.

Les opérations du cerveau sont indolores

La vidéo qui a fait le tour du monde et dans laquelle on voit une femme jouer du violon pendant que des chirurgiens lui enlèvent une tumeur cérébrale a suscité bien des questions sur le cerveau.

Si cela peut sembler étrange, le fait d’être éveillé pendant une opération du cerveau est en réalité plus fréquent qu’on pourrait le croire.

Souvent, les opérations portant sur des zones « fonctionnelles » du cerveau – zones responsables du mouvement, de la parole ou de la vision – nécessitent que le patient soit placé sous anesthésie générale, puis réveillé, afin que ces fonctions soient évaluées au cours de l’intervention.

Étonnamment, l’intervention proprement dite ne provoque aucune douleur au niveau du cerveau. Cela est dû au fait que le cerveau ne possède pas de nocicepteurs, les récepteurs de la douleur. Les seules étapes douloureuses de l’opération se produisent lors de l’incision à travers la peau, le crâne et les méninges (les couches de tissu conjonctif qui protègent le cerveau). En fonction d’un certain nombre de facteurs, le patient peut être sous anesthésie générale ou locale pour cette partie de l’intervention.

Les lésions cérébrales peuvent changer la personnalité

Une grande partie de ce que l’on sait sur le cerveau provient d’observations faites après un accident. L’un des cas les plus célèbres est celui de Phineas Gage. Réputé comme étant un ouvrier responsable et intègre, M. Gage a développé un caractère enfantin, irrespectueux et impulsif après qu’une barre de métal lui eut traversé le crâne, endommageant son lobe frontal.

Ce cas a enseigné aux scientifiques du XIXe siècle qu’une atteinte du lobe frontal pouvait entraîner d’importants changements de personnalité.

Phineas Gage. Wikicommons
On sait aussi que les personnes qui ont perdu la vue après que leur lobe occipital eut été endommagé — à la suite d’un traumatisme, de la croissance d’une tumeur ou d’un AVC — peuvent conserver certains aspects de la vue grâce à ce qu’on appelle la « vision aveugle ». De quoi conclure que ce ne sont pas toutes les informations visuelles qui se rendent au cortex visuel, dans le lobe occipital.

Ainsi, les personnes atteintes de vue aveugle pourraient toujours détecter des informations visuelles et contourner des obstacles malgré leur cécité. Certaines affirment même être capables de « voir » des émotions et de décrire ce qu’elles ressentent alors. Cela montre à quel point les fonctions cérébrales sont étroitement liées les unes aux autres.

Bien que les chercheurs en sachent déjà beaucoup sur le cerveau et ses fonctions, il leur en reste encore beaucoup à découvrir. Ainsi, ils ignorent toujours les fonctions de certaines zones du cerveau et la façon dont elles communiquent entre elles. À suivre…

Chapitre 2: Six règles pour régénérer son cerveau


Chapitre 2: Six règles pour régénérer son cerveau

Auteur: Pierre-Marie LLedo

Directeur du Département des Neurosciences 
Chef d'Unité “Perception et Mémoire” 
Directeur de Recherche au CNRS où il dirige le Laboratoire "Gènes, Synapses et Cognition »  

Institut Pasteur, Paris

Vous venez d’atteindre la cinquantaine ou, peut-être même avez-vous dépassé cet âge ?

Vous n’imaginez sans doute pas que, dans cette région de votre cerveau que l’on nomme l’hippocampe, une structure clé pour la formation de vos souvenirs et pour la bonne gestion de vos émotions, tous les neurones présents à l’époque de votre naissance ont été remplacés depuis par des neurones fraîchement produits à partir de cellules souches du cerveau.

Nous avons tous le potentiel de régénérer notre cerveau, à tout âge. Seulement il y a des conditions à respecter pour que cette fontaine de jouvence puisse jaillir, comme le montre la recherche sur les animaux. Prenez une souris dans un élevage standard et placez-la dans une cage dépourvue de congénères, aseptisée, avec une nourriture invariante, sans objets à découvrir au cours de ses explorations. En gros l’enfer et la prison, dans sa vie de souris. Vous constaterez qu’en deux à trois semaines, la production de nouveaux neurones dans son cerveau aura été réduite de 50 %. Cette malheureuse souris, vous allez en plus la stresser et vous verrez alors que cette production disparaîtra totalement.

Prenez la même souris et placez-la, cette fois, dans un univers enrichi, stimulant. Vous allez placer des objets nouveaux dans sa cage, des congénères avec lesquels elle pourra communiquer au quotidien. Vous allez lui proposer un peu d’exercice physique, en installant une petite roue sur laquelle elle pourra s’entraîner. En l’espace de quelques semaines, elle aura multiplié par trois le taux de production de nouveaux neurones. Dans la première expérience, on voit que le cerveau se détruit sous l’effet de la routine. Dans la seconde, on s’aperçoit que le cerveau se nourrit du changement.

Une pouponnière à neurones dans notre cerveau

Ceci est vrai car nous hébergeons dans notre cerveau une espèce de pouponnière dans laquelle sont abritées des cellules souches neuronales. Celles-là mêmes qui ont permis de construire notre cerveau à l’âge embryonnaire et que nous avons emmenées avec nous après la naissance. Grâce à ce dispositif, au moment même où vous me lisez, de nouveaux neurones jaillissent dans votre cerveau. Mais pour les produire, il y a six principes à satisfaire. Et ce n’est pas en restant assis sans rien faire que ça va se passer…

Premier principe : il faut s’ouvrir au changement et fuir la routine. Socrate nous dit : la sagesse commence avec l’émerveillement.

On parle ici de l’émerveillement d’apprendre et de comprendre. Il s’agit de respecter la libido sciendi, le désir d’apprendre et de comprendre propre à l’être humain.

Passons au second principe. Le cerveau est malléable car il est « informable ». C’est en effet l’information qui invite nos circuits cérébraux à se régénérer, mais de quel type d’information parlons-nous ?

Aujourd’hui nous sommes confrontés à un vrai problème. Nous vivons dans un écosystème numérique alors sans rien faire, nous sommes bombardés d’information. Il nous faut apprendre à lutter contre ce trop-plein. Nous sommes abonnés à des blogs, des lettres. Nos téléphones sonnent, vibrent. On s’aperçoit que ce type d’information, qui nous conduit juste à savoir, est délétère.

Le cerveau bombardé d’information, qui sait mais n’a pas compris, est condamné à l’anxiété. En tant que sujet je deviens un spectateur, au lieu d’être un acteur. Il est important, pour nous tous, de trier l’information utile, c’est-à-dire l’information qui nous fait comprendre, et de laisser de côté l’information futile, qui nous fait juste savoir. Celle-là, on n’en veut plus ! Dit autrement, mon deuxième principe nous invite à lutter contre l’infobésité.

Troisième principe : gardons-nous de la tentation facile des anxiolytiques et des somnifères. Parce que l’objectif de ces substances, c’est justement de ne pas laisser émerger ce cerveau qui cherche à comprendre.

Vous ne voulez plus ruminer en allant travailler ? On va vous donner des substances avec lesquelles vous allez marcher en cerveau automatique, ce cerveau même qui est utile pour savoir mais pas pour comprendre. En prenant ces médicaments de façon chronique, vous ne pouvez plus satisfaire au premier principe qui est, je le rappelle : ouvrez-vous au changement et donnez du sens à ce changement.

Le quatrième principe consiste à lutter contre la sédentarité .

Parce que la science nous dit qu’en cas d’activité physique, les muscles produisent des substances chimiques qu’on appelle les facteurs trophiques. Par voie sanguine, ceux-ci viennent agir sur le cerveau et en particulier sur la pouponnière, la fontaine de jouvence, et l’incitent à produire plus de neurones. Il existe une corrélation directe entre l’activité musculaire et la production de nouveaux neurones. Alors, choisissez la marche, plutôt que le métro ou la voiture.

S’exposer aux autres

Cinquième principe : prenons acte que notre cerveau est une véritable chambre d’écho de l’autre, de notre prochain.

Nous n’avons pas le contrôle sur certaines parties de notre cerveau, dont l’engagement dépend de l’exposition à autrui, à l’alter ego. C’est ce qu’on appelle, globalement, le cerveau social. Dit autrement, plus vous allez cultiver votre altérité, fuir l’isolement, plus votre cerveau sera enclin à produire de nouveaux neurones.

Il existe encore un sixième principe à respecter. Très récemment, les neurosciences associées avec la microbiologie nous ont appris qu’il existait une flore intestinale dont la communication avec le cerveau est permanente.

En fonction de votre régime alimentaire, notamment si vous consommez des fibres et une alimentation variée, vous allez encourager la prolifération de certaines espèces bactériennes qui vont concourir à cette prolifération de neurones. À l’inverse, si votre nourriture devient peu variée, riche en sucre et en graisse, vous allez favoriser la prolifération d’espèces bactériennes qui sont de véritables verrous, bloquant la production de nouveaux neurones, et ce quelque soit votre âge.

La quête ancienne de l’immortalité

Voici les six principes énoncés, il vous revient maintenant d’utiliser ce potentiel.

Évidemment, quand on parle de cellules souches et d’une neurogenèse, c’est-à-dire une production de neurones au cours de la vie, cela probablement résonne en vous. Nous baignons dans les mythes qui ont accompagné la naissance de la civilisation, au moment de l’invention de l’écriture chez le peuple sumérien – la fameuse épopée de Gilgamesh, ce récit légendaire de la quête de l’immortalité, ou plus proche de nous, le fameux Faust de Goethe. Ce sont des paraboles sur la souffrance de l’humanité qui voit une possible rédemption au travers de l’éternité.

Loin de moi l’idée de venir nourrir ou prolonger ces mythes ! En fait, nous voilà face à une découverte scientifique qui porte en elle tous les ferments d’une véritable révolution scientifique, appelant au renouveau des méthodes d’éducation, d’une définition objective du fameux bien-être en matière de santé mentale, d’inventer de nouvelles stratégies thérapeutiques, tant sur un plan neurologique que psychiatrique, essentiellement les troubles de l’humeur, reposant sur la présence de ces cellules souches neuronales.

Chacun à notre échelle, nous avons le pouvoir de tirer parti de cette révolution scientifique, à titre personnel, mais aussi vis-à-vis d’autrui. La fameuse maxime de Goethe dit : traitez les gens comme ils devraient être et vous les aiderez à devenir ce qu’ils peuvent être. Ce pouvoir, vous le tenez entre vos mains. Profitez-en !

Chapitre 3: Non, vous n’êtes pas visuel ou auditif… Pour en finir avec les neuromythes !


Chapitre 3: Non, vous n’êtes pas visuel ou auditif… Pour en finir avec les neuromythes !

Auteur: Luc Rousseau

Professeur de psychologie et chercheur au Laboratoire de recherche en santé cognitive, 
Université Laurentienne, Sudbury, Ontario (Canada), 

Laurentian University 


Qui n’a pas déjà entendu l’affirmation voulant qu’on utilise seulement 10 % de notre cerveau ? Qu’écouter la musique de Mozart rend plus intelligent ou que tout se joue avant l’âge de 3 ans ? Que les personnes « cerveau droit » sont plus créatives ?

Une autre idée très répandue prétend que l’on est soit visuel, auditif ou kinesthésique (plus sensible au toucher) et que nous apprenions mieux selon ces « styles »…

Toutes ces affirmations sont en fait des neuromythes : des fausses croyances sur le cerveau et l’apprentissage, dont aucune n’est scientifiquement fondée. Bref, vous avez autant de chances de recevoir la visite de la Fée des dents que d’apprendre plus vite à peindre un coucher de soleil soi-disant parce que vous êtes une personne « visuelle » !

Au Laboratoire de recherche en santé cognitive de l’Université Laurentienne, notre équipe de recherche s’intéresse tout particulièrement au neuromythe des « styles d’apprentissage » appelés VAK pour Visuel, Auditif, Kinesthésique. Des enquêtes menées dans 14 pays, dont le Canada, révèlent que 90 % des enseignants croient dur comme fer que leurs élèves sont visuels, auditifs ou kinesthésiques. Et dans un souci de répondre à leurs besoins, ces enseignants adaptent leur enseignement selon ce « mirage » des différences individuelles : visionnement d’images ou de diagrammes pour les élèves « visuels », écoute de sons ou de paroles pour les élèves « auditifs », manipulation d’objets pour les élèves « kinesthésiques ».

Des cerveaux uniques ?

À l’origine du neuromythe VAK : l’idée fausse que chaque cerveau se développe différemment, donc que chaque enfant apprend différemment.

Oui, il est vrai qu’à partir des 100 milliards de neurones dont dispose le cerveau à la naissance, un réseau unique de connexions synaptiques se développe. Par contre, non, ce développement n’individualise pas entièrement le cerveau, au point de le prédisposer à mieux traiter l’information dans une modalité sensorielle dite « dominante ».

En fait, les cerveaux humains possèdent infiniment plus de points communs que de différences. Dans chaque cerveau, les aires sensorielles visuelle, auditive et kinesthésique sont hautement interconnectées. Quand on entend un bruit, non seulement l’aire auditive s’active, mais également les aires visuelle et kinesthésique. Ce transfert intermodal et automatique assure un traitement optimal de l’information.

Sceptique ? Montrez à une amie la photo (modalité visuelle) d’une personne couverte de moustiques. Vous constaterez que votre amie se met inconsciemment à se gratter (modalité kinesthésique), sans même le réaliser ! Le véritable fonctionnement du cerveau échappe parfois à nos intuitions…

Aucune preuve scientifique

L’hypothèse selon laquelle on apprend mieux quand l’information est présentée dans son style d’apprentissage « préféré » ou « dominant » a fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Aucune étude, jusqu’ici, n’a réussi à prouver cette hypothèse. Une récompense de 5000$ est même offerte à toute équipe de recherche qui réussirait à prouver l’efficacité des styles d’apprentissages !

Inoffensifs, les neuromythes ? Pas tant que ça ! Une élève étiquetée comme « auditive » car elle excelle en musique pourrait se croire condamnée à apprendre d’une seule et unique façon (avec ses oreilles) et perdre sa motivation pour des matières comme la géographie ou la chimie.

La communauté scientifique a senti le besoin de lancer une mise en garde au monde de l’éducation : les pratiques pédagogiques inspirées des styles d’apprentissages ne reposent sur aucune donnée probante. Malheureusement, l’énergie consacrée par les enseignants à des pratiques pédagogiques non fondées pourrait retarder l’adoption de pratiques véritablement appuyées par la recherche.

À la recherche de boules à mythes !

Des pistes d’intervention sont explorées pour dissiper les neuromythes auprès des enseignants.

Plusieurs fausses croyances, en éducation, reposeraient sur une conception simpliste du fonctionnement du cerveau humain.

Inclure un cours universitaire de neurosciences dans la formation des enseignants pourrait-il contrer les neuromythes ? Plausible, mais infondé. Suivre un cours améliorerait les connaissances en neurosciences chez les futurs enseignants, sans pour autant réduire leurs fausses croyances.

Tout n’est pas perdu ! Les textes de réfutation, dans lesquels des arguments scientifiques sont soulevés pour déboulonner les neuromythes, sont prometteurs. Couplés à des réflexions personnelles, ces textes amenuisent ces fausses croyances chez des apprentis enseignants. Toutefois, une question demeure : leur future pratique sera-t-elle pour autant à l’abri des neuromythes ? Rien n’est moins sûr !

Le puissant biais de confirmation

Il ne suffit pas de présenter des preuves scientifiques pour persuader quelqu’un d’abandonner ses convictions profondes. Une attaque de front comme un texte de réfutation scientifique peut même provoquer l’effet contraire et amplifier la fausse croyance. C’est l’effet retour de flamme !

Confrontés à des textes de réfutation, 90 % des professeurs affirment rejeter l’utilité pédagogique des styles d’apprentissages. Pourtant, le tiers ont toujours l’intention d’adapter leur enseignement aux styles de leurs étudiants. Pour se justifier, 89 % des profs évoquent leur expérience personnelle (« La science dit que ce n’est pas efficace, mais moi je l’observe en classe »).

Pourquoi privilégier les observations anecdotiques au détriment de la science ? Un puissant mécanisme psychologique entrerait en jeu : le biais de confirmation. Une enseignante observant un élève apprendre mieux à l’aide d’un schéma pourrait y voir la confirmation de son intuition selon laquelle cet élève a un style « visuel ».

Combattre avec des anecdotes !

Notre équipe a conçu une intervention destinée aux enseignants et dans laquelle une anecdote personnelle est créée de toutes pièces. Les enseignants expérimentent donc « personnellement » l’inutilité des styles d’apprentissages.

L’anecdote se veut dissuasive. Il s’agit d’une activité dans laquelle des mots à mémoriser sont accompagnés d’images ou de sons. Si les styles VAK ont une validité pédagogique, les « visuels » devraient retenir plus de mots avec images que de mots avec sons. Et vice versa pour les « auditifs ». Notre activité est calquée sur des expériences scientifiques réalisées partout sur la planète. Toutes, sans exception, ont échoué à prouver qu’un tel appariement « image = style visuel », ou « son = style auditif », est efficace.

Les résultats d’une première tentative de démystification auprès d’apprentis enseignants ont été publiés dans la revue Neuroéducation. Après avoir participé à notre activité « sons et images », des apprentis enseignants ont constaté que leur mémoire n’a rien à voir avec leur style VAK préféré. Or 60 % d’entre eux avaient toujours l’intention d’adapter leur enseignement aux styles de leurs élèves !

Pourquoi une telle résistance ? Et si l’activité était plutôt réalisée auprès d’élèves ? Témoins de l’activité, les enseignants pourraient alors disposer d’une anecdote vraisemblablement plus puissante. C’est l’une des pistes de recherche que nous explorons.

D’ici là, sachez que TOUS les cerveaux humains adorent recevoir l’information dans plus d’une modalité sensorielle ! Cela renforce les connexions synaptiques entre les aires sensorielles. Présenter le matériel à apprendre dans des formats variés demeure donc une pratique pédagogique encouragée, appuyée par la recherche. Et ce n’est pas la Fée des dents qui le dit !

Chapitre 4: Comment notre alimentation trop riche en sucre transforme notre cerveau


Chapitre 4: Comment notre alimentation trop riche en sucre transforme notre cerveau 

Auteur: Amy Reichelt

BrainsCAN Research Fellow at Western University’s Schulich School of Medicine & Dentistry

Western Universtity

Nous adorons les gâteries sucrées. Mais trop de sucre dans notre alimentation peut causer un gain de poids et l’obésité, le diabète de type 2 ainsi que la carie dentaire. Nous savons qu’il vaut mieux éviter les bonbons, la crème glacée, les biscuits, les gâteaux et les boissons gazeuses, mais il est parfois très difficile d’y résister.

C’est comme si notre cerveau était programmé pour avoir envie de ces aliments.

Mes recherches en neurosciences portent sur la façon dont l’alimentation moderne « obésogène » – qui entraîne l’obésité – modifie le cerveau. Je veux comprendre comment ce que nous mangeons change notre comportement et si les transformations cérébrales peuvent être atténuées par d’autres aspects du mode de vie.

Le corps fonctionne au sucre – au glucose pour être précis. Ce terme vient du grec glukos, qui signifie doux. Le glucose alimente les cellules qui nous composent, y compris celles du cerveau (les neurones).

Le sucre et les poussées de dopamine

Nos lointains ancêtres étaient des charognards. Comme les aliments sucrés constituent une excellente source d’énergie, l’évolution a fait en sorte que nous les trouvons particulièrement bons. Les aliments au goût désagréable, amer ou aigre peuvent être toxiques, avariés ou pas assez mûrs, et donc entraîner des maladies.

C’est ainsi que pour maximiser nos chances de survie en tant qu’espèce, nous avons un système cérébral inné qui nous porte à aimer les aliments sucrés qui nous donnent de l’énergie.

Lorsqu’on mange des aliments sucrés, le système de récompense du cerveau – appelé système dopaminergique mésolimbique – est activé. La dopamine est une substance chimique libérée par les neurones qui signale qu’un événement est positif. Quand le système de récompenses se déclenche, il renforce des comportements qu’on devient ensuite plus susceptibles de répéter.

Les poussées de dopamine provoquées par la consommation de sucre favorisent un apprentissage rapide, ce qui nous porte à préférer ces aliments.

Aujourd’hui, notre environnement regorge d’aliments sucrés et riches en énergie. Il n’est plus nécessaire de partir à leur recherche, car on en trouve partout. Malheureusement, notre cerveau est toujours semblable à celui de nos ancêtres sur le plan fonctionnel, et il aime vraiment le sucre. Mais que se passe-t-il dans le cerveau lorsqu’on en mange trop ?

Le sucre peut-il reprogrammer le cerveau ?

Le cerveau remodèle continuellement ses connexions par un processus appelé neuroplasticité. Cette reconfiguration peut se produire dans le système de récompense.

L’activation répétée de la voie de la récompense par des drogues ou une grande quantité d’aliments sucrés amène le cerveau à s’adapter à une stimulation fréquente, ce qui conduit à une forme de tolérance.

Pour ce qui est des aliments sucrés, cela signifie qu’on doit en manger plus pour obtenir le même sentiment de satisfaction – une caractéristique typique de la dépendance.

La dépendance alimentaire est un sujet controversé parmi les scientifiques et les cliniciens. S’il est vrai que l’on peut devenir physiquement dépendant de certaines drogues, on se demande si ça peut être le cas pour la nourriture alors qu’on en a besoin pour la survie élémentaire.

Le cerveau veut du sucre, encore et encore

Indépendamment du besoin de se nourrir pour alimenter le corps, beaucoup de gens éprouvent des fringales, en particulier lorsqu’ils sont stressés, affamés ou simplement confrontés à un bel étalage de gâteaux dans un café.

Pour résister à ces envies, on doit réfréner sa tendance naturelle à vouloir se faire plaisir avec des mets savoureux. Un réseau de neurones inhibiteurs permet de réguler nos comportements. Ces neurones sont concentrés dans le cortex préfrontal – une zone du cerveau impliquée dans la prise de décision, la maîtrise des impulsions et la capacité de retarder la récompense.

Les neurones inhibiteurs constituent le système de freinage du cerveau. Ils libèrent le GABA, un acide aminé. La recherche sur des rats a montré que la consommation d’aliments riches en sucre peut altérer les neurones inhibiteurs. Les rats nourris au sucre arrivent plus difficilement à contrôler leur comportement et à prendre des décisions.

Ainsi, notre alimentation peut influencer notre capacité à résister aux tentations, ce qui explique pourquoi il est si difficile de changer de régime.

Dans le cadre d’une étude récente, on a demandé à des gens d’évaluer leur désir de manger des grignotines hypercaloriques lorsqu’ils ont faim par rapport au désir ressenti quand ils viennent de manger. Les personnes qui consomment régulièrement des aliments riches en matières grasses et en sucre ont répondu avoir davantage envie de grignotines, et ce, même lorsqu’elles n’avaient pas faim.

Cela porte à croire que la consommation régulière d’aliments à haute teneur en sucre pourrait amplifier les fringales – créant ainsi un cercle vicieux qui nous pousse à en manger toujours plus.

Le sucre et la formation de la mémoire

L’hippocampe – une zone importante pour la mémoire – est une autre région du cerveau touchée par les régimes riches en sucre.

La recherche a démontré que les rats qui mangent des aliments riches en sucre sont moins susceptibles de se rappeler s’ils ont déjà vu des objets à des endroits précis.

Les transformations induites dans l’hippocampe par le sucre sont une réduction de la formation de neurones, essentiels pour coder les souvenirs, ainsi qu’une augmentation des substances chimiques liées à l’inflammation.

Comment protéger votre cerveau du sucre ?

L’Organisation mondiale de la santé recommande de limiter la consommation de sucres ajoutés à cinq pour cent de notre apport calorique quotidien, ce qui représente environ 25 grammes (six c. à café).

Sachant que l’adulte canadien mange en moyenne 85 grammes (20 c. à café) de sucre par jour, on voit qu’il s’agit d’un gros changement pour beaucoup de gens.

Il est important de noter que les capacités de neuroplasticité du cerveau lui permettent de se réinitialiser dans une certaine mesure après avoir réduit sa consommation de sucre, et l’exercice physique peut améliorer ce processus. Les aliments riches en gras oméga-3 (présents dans l’huile de poisson, les noix et les graines) sont également neuroprotecteurs et peuvent stimuler les substances chimiques du cerveau nécessaires à la formation de nouveaux neurones.

Bien qu’il ne soit pas facile de briser des habitudes comme celle de s’offrir un dessert après chaque repas ou un café deux crèmes-deux sucres, votre cerveau vous remerciera d’avoir fait des gestes positifs.

Le premier pas est souvent le plus difficile, mais les changements à l’alimentation deviennent en général de plus en plus faciles avec le temps.

Chapitre 5: Les différences cérébrales entre les sexes ne se réduisent pas aux différences de taille du corps


Chapitre 5: Les différences cérébrales entre les sexes ne se réduisent pas aux différences de taille du corps

Auteur: Frank Ramus

Directeur de recherches CNRS
 Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique
Département d'Etudes Cognitives

Ecole Normale Superieure (ENS) - PSL 

En début d’année, un article de Lise Eliot et ses collègues de l’université Rosalind Franklin de Chicago a passé en revue plusieurs dizaines d’études documentant les différences cérébrales entre les sexes, et a conclu qu’une fois prises en compte les différences de taille (du corps) entre hommes et femmes, les différences cérébrales observées étaient totalement négligeables.

Au même moment, mon équipe au sein du Département d’études cognitives de l’ENS-PSL était en train de publier les résultats d’une vaste étude d’imagerie cérébrale, qui aboutissait à des résultats différents. Cela nous a conduits à écrire et publier un commentaire sur l’article de Lise Eliot, pour souligner de quelle manière nos résultats remettaient en cause leurs conclusions.

Notre étude avait un objectif plus large, consistant à documenter les variations neuroanatomiques dans l’ensemble de la population. Elle est basée sur la cohorte nommée UK Biobank, comprenant de nombreuses données médicales, biologiques, et sociales sur 500 000 adultes britanniques. Parmi eux, environ 40 000 ont passé une IRM cérébrale. De ce fait, notre étude n’a pas la fiabilité limitée de la plupart des études précédentes. C’est en fait la plus vaste étude sur les différences cérébrales entre les sexes jamais publiée.

Qu’avons-nous donc trouvé ?

Premièrement, s’il est vrai que le volume du cerveau est lié à la taille du corps, il n’est pas vrai que les différences de taille expliquent entièrement les différences de volume cérébral entre les sexes. Comme le montre la figure ci-dessous, même à taille égale, les hommes ont un cerveau plus gros en moyenne que celui des femmes.

Volume du cerveau total en fonction de la taille
Volume cérébral total en fonction de la taille (en échelle logarithmique), pour environ 20 000 hommes (points bleus) et 20 000 femmes (points mauves). Si les hommes et les femmes avaient le même volume cérébral à taille égale, les deux droites bleue et mauve seraient superposées. Ici leur décalage vertical est très significatif. Camille Williams, Fourni par l’auteur

Deuxièmement, lorsque l’on prend en compte les différences de volume cérébral total, il n’est pas vrai qu’on ne trouve presque aucune différence de volume de structures cérébrales entre hommes et femmes.

On en trouve de nombreuses, un peu partout dans le cerveau. Sur 620 régions cérébrales que nous avons analysées, environ les deux tiers (409/620) étaient significativement différents entre hommes et femmes, environ pour moitié relativement plus grosses chez les hommes, et pour moitié le contraire. La Figure ci-dessous montre la distribution de ces différences.

mesures des régions du cerveau entre les sexes, à volume cérébral égal
Distribution des différences entre les sexes à travers 620 régions et mesures cérébrales, à volume cérébral égal. L’axe des abscisses représente la taille des différences entre les sexes (en écarts-types), et l’axe des ordonnées montre le nombre de régions ayant une différence donnée. Les barres en bleu représentent les mesures qui sont relativement plus grandes chez les hommes, et celles en mauve les mesures qui sont relativement plus grandes chez les femmes. Camille Williams, Fourni par l’auteur

De toute évidence, les régions cérébrales ont des dimensions qui ne sont pas très différentes entre hommes et femmes. Mais de nombreuses régions montrent de petites différences statistiques. Clairement, on ne peut pas dire qu’il n’y en a pas ni qu’elles se réduisent aux différences de volume global du cerveau. Si les cerveaux des hommes et des femmes sont globalement similaires, au-delà de la différence de volume total, ils sont également proportionnés de manière légèrement différente.

Si ces résultats vont à l’encontre des affirmations de l’article d’Eliot, il est important de souligner aussi ce qu’ils ne montrent pas. Ils ne disent rien, ni sur les causes ni sur les conséquences de ces différences. Et le reste des connaissances scientifiques en neurosciences ne permet pas à l’heure actuelle de combler ces lacunes.

Les facteurs qui induisent ces différences cérébrales entre les sexes

S’agit-il de facteurs génétiques (chromosomes X et Y) ? De différences hormonales, précoces ou tardives ? De différences environnementales, notamment dans la manière dont les êtres humains sont élevés et traités différentiellement selon leur sexe ? Une combinaison des trois ? Certaines personnes s’empresseront d’affirmer que ces différences sont évidemment innées, d’autres qu’elles ne peuvent être qu’acquises.

Dans un cas comme dans l’autre, ces personnes s’avanceront bien au-delà de ce que la connaissance scientifique permet de dire. Il y a de bonnes raisons de penser qu’à la fois des différences génétiques, hormonales et environnementales peuvent induire de telles différences. Mais personne n’est à l’heure actuelle capable de préciser leurs contributions relatives et les mécanismes précis qui sont en jeu.

Enfin, quelles sont les conséquences de ces différences cérébrales ? Induisent-elles des différences dans le fonctionnement cognitif des hommes et des femmes ? Nous n’en savons rien. S’il existe des différences cognitives relativement robustes entre hommes et femmes, notre compréhension actuelle des bases cérébrales de ces différences cognitives est à peu près nulle.

Bien que le volume du cerveau soit corrélé au quotient intellectuel, il ne s’ensuit pas que la différence substantielle de volume cérébral entre hommes et femmes entraîne une différence similaire des scores de QI, qui sont très proches entre les deux sexes. De manière plus générale, aucune différence cérébrale observée entre les sexes ne vient à l’appui de stéréotypes sexistes.

Dans l’état d’ignorance qui est le nôtre, il serait donc prudent d’éviter de trop spéculer sur les causes et les conséquences des différences cérébrales entre les sexes. Mais il serait aussi temps d’abandonner le discours tendant à nier systématiquement la possibilité même de l’existence de ces différences, car il est maintenant clair que ce discours est erroné.
REFERENCES